Point de vue d’une pharmacienne sur le devenir des MNU

Plus que jamais au cœur du système de santé, les pharmaciens d’officine prennent, depuis plusieurs années maintenant, une part active concernant la collecte des déchets de soins et des médicaments non utilisés. Aujourd’hui, cette prise de conscience sur le développement durable et le souhait d’une pharmacie plus verte amènent les pharmaciens d’officine à disposer de nombreux leviers d’action en complément de ceux déjà mis en place de longue date, notamment via Cyclamed.  Ainsi, nombreuses sont les pharmacies qui impliquent déjà leurs équipes dans les écogestes : réduction des déchets d’emballage et des sacs distribués aux patients, sensibilisation de ces derniers au bon usage des médicaments et comment éviter le gaspillage, ampoules basse consommation, extinction des lumières hors des heures d’ouverture. Nous avons interviewé Manon Debourbe, pharmacienne d’officine à Les Pieux dans la Manche, qui a réalisé sa thèse en partenariat avec de Cyclamed. « L’impact économique, sanitaire et environnemental des médicaments non utilisés : rôle préventif du pharmacien d’officine ».

1. Pour quelles raisons avez-vous choisi ce thème pour votre thèse ?

J’ai choisi ce sujet intégrant le dispositif Cyclamed après avoir fait un constat simple en officine lorsque j’étais étudiante. A plusieurs reprises, des patients me rapportaient des médicaments et me demandaient, à cette occasion, le devenir de ces Médicaments Non Utilisés (MNU). Or, j’étais incapable de leur répondre et donc j’ai souhaité faire des recherches sur ce sujet.

De plus, le sujet concordait avec mes convictions personnelles en termes de développement durable, de santé publique et avec l’actualité liée à l’écologie, aux contraintes économiques et aux pénuries de médicaments.

Mon objectif était ainsi de pouvoir apporter toutes les informations aux patients car je me suis rendu compte que beaucoup de médicaments revenaient en pharmacie et donc qu’il était dommage de ne pas faire de prévention plus poussée pour éviter   un éventuel gaspillage. En outre, un certain nombre de patients pensent encore qu’on réutilise les Médicaments Non Utilisés  ou qu’ils sont  envoyés à l’étranger pour une redistribution humanitaire, ce qui est interdit depuis le 31 décembre 2008. Ceci soulève ainsi de nombreux questionnements.

A ce stade, je savais que Cyclamed était en charge de la récupération des médicaments non utilisés, périmés ou non, à usage humain, rapportés par les particuliers en officine mais je ne savais pas comment s’effectuait précisément leur valorisation.

C’est notre travail de pharmacien de permettre cette prise de conscience pour en informer la patientèle.

2. Avez-vous constaté une prise de conscience des officinaux pour une pharmacie d’officine verte ?

La prise de conscience s’est faite assez tôt par les pharmaciens, de manière volontaire puisque Cyclamed existe depuis 30 ans. Cette démarche s’est donc faite avant que la loi ne l’impose. Au niveau industriel, elle s’est faite très vite. Elle a été généralisée ensuite par le biais du législateur qui a posé un cadre et a permis de remettre une impulsion dans cette prise de conscience. La loi AGEC (Anti-Gaspillage et Économie Circulaire) a aussi donné un coup d’accélérateur aux pharmaciens dont la convention pharmaceutique 2022 a finalement remis la notion de développement durable au cœur des actions des officinaux.

Pour la patientèle, la prise de conscience concernant les MNU est encore en développement. Il y a toujours des petits rappels à faire par l’équipe officinale.

La loi a donc permis de généraliser sur le territoire la récupération des MNU et de sécuriser le circuit de récupération.

3. Selon vous en tant qu’étudiante qui avez travaillé encore récemment dans plusieurs officines, que faudrait-il faire pour améliorer encore plus ce geste du retour des MNU ? Avez-vous constaté que les officinaux sont encore plus engagés dans la protection environnementale ?

Concernant le retour des MNU en pharmacie, celui-ci est déjà assez bon. L’objectif désormais est d’aller chercher les derniers pourcentages des personnes qui échappent encore au circuit, comme par exemple les jeunes adultes. On pourrait élargir notamment grâce à la prévention encore plus massive auprès du grand public. C’est le moyen le plus efficace selon moi. 

Pourrait-on intégrer une sensibilisation à l’impact économique en plus de l’impact environnemental ? Cela pourrait être éventuellement une bonne idée, certaines personnes pourraient en effet y être sensibles.

Par rapport aux campagnes menées par Cyclamed, les pouvoirs publics (dont le ministère de la Santé) devraient, selon moi, participer à la sensibilisation des MNU. En effet, pour l’instant, seul Cyclamed est moteur dans la prévention, avec une part importante de son budget.

Un autre moyen d’engagement serait de former les équipes officinales pour que chaque personne dans l’officine ait le même discours auprès des patients (préparateurs et pharmaciens) et pour les impliquer directement.

Il pourrait aussi être intéressant d’impliquer tous les acteurs de la chaîne du soin : les prescripteurs, les infirmiers, pour que tout le monde aille dans la même direction vis-à-vis des MNU. Les infirmiers, ayant accès aux MNU des patients à domicile, sont plus facilement en mesure de faire le point sur les médicaments qui ne sont plus utiles et qui devraient donc être rapportés en pharmacie.

Bien que cela soit fait déjà dans certaines facultés, la dispensation de cours pour tous les professionnels de santé concernant le sujet de la prévention et de la récupération des MNU des particuliers dans les officines, devrait être généralisée dans toutes les facultés.

Concernant l’implication des pharmaciens dans la protection environnementale, je répondrais en deux temps.

D’un côté, ils ne sont pas encore assez impliqués, car il reste, sur l’aspect environnemental, encore beaucoup de chemin à parcourir. C’est une notion toute fraîche pour les pharmaciens (seulement depuis 1 an dans la convention pharmaceutique).

D’un autre côté, depuis une trentaine d’années, il y a une amélioration certaine et cela va continuer grâce à la prise de conscience des officinaux et à la mise en œuvre de la convention pharmaceutique.

La protection de l’environnement ne se cantonne pas, par ailleurs, uniquement aux retours des MNU. En effet, pour qu’un pharmacien s’implique dans la démarche environnementale, il peut par exemple augmenter la part des produits bio dans sa parapharmacie,  être vigilant sur la provenance des produits qu’il vend, porter son attention sur les déchets et  plastiques générés par la pharmacie ou encore assurer la bonne gestion de son stock.

4. Vous avez mis en place une action de sensibilisation dans une école primaire, pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

        a.Pourquoi avoir choisi les enfants ?

Les enfants d’aujourd’hui sont les futurs patients et usagers du médicament. Plus on sensibilise tôt, mieux les messages s’intègrent. En touchant les enfants, cela permet aussi de cibler les parents et les grands-parents. En outre, cela s’intègre dans le programme scolaire avec le module sur les différents déchets que l’on génère chez soi.

        b. Qu’avez-vous réalisé avec eux ? Avez-vous eu des retours sur son impact ? (Élèves, enseignants, parents) ?

C’est dans le cadre de ce module que je me suis greffée en rajoutant une intervention de deux heures pour enrichir leurs connaissances sur cet aspect environnemental de la bonne gestion des médicaments. A cette occasion, j’ai donc pu voir avec eux comment bien utiliser et conserver les médicaments à la maison et les bons gestes de tri et d’élimination, sous forme d’ateliers interactifs. J’ai aussi élaboré une brochure de synthèse que je distribuais à la fin de l’intervention pour toucher les parents grâce à ce support.

J’ai eu des retours directs en fin de séance, car individuellement, chaque enfant a pris le temps de faire des dessins sur ce qu’ils avaient retenu durant les 2 heures. Globalement le message est bien passé.

Côté parents, je n’ai pas eu beaucoup de retours.

      c. Qu’en retenez-vous ?

J’ai trouvé que c’était une expérience très enrichissante. Si l’occasion se présente, je souhaiterais aborder d’autres thèmes de santé publique.

Il serait utile de généraliser ce type de démarches et d’interventions auprès des autres tranches d’âge (collèges, lycées, universités). J’espère que cela va s’accroître. Cela devrait aller dans ce sens grâce au nouveau service sanitaire mis en place pour les étudiants en santé qui doivent intervenir auprès de la population.

Cyclamed est, par ailleurs, en train d’élaborer un kit pour les enseignants, ce qui devrait permettre de faciliter ces interventions. Le fait de disposer de supports ad hoc pourra inciter d’autres pharmaciens à faire ce type d’opérations de sensibilisation auprès du grand public.

5. Avez-vous d’autres thématiques que vous souhaitez évoquer ?

Pour conclure, je dirais que le pharmacien d’officine a un rôle clé sur la bonne gestion des médicaments et le retour des MNU à l’officine. Il doit y avoir une prise de conscience collective de la part de tous les acteurs (industriels, prescripteurs, pharmaciens, patients-consommateurs).

Cela passerait notamment par l’harmonisation des conditionnements au niveau industriel mais aussi éventuellement par la dispensation à l’unité. Cette dernière peut être une bonne idée mais mériterait de faire l’objet de nouvelles études de terrain. Cette démarche progressive est nécessaire car elle modifiera l’activité officinale.

Il faut aussi aborder le problème en amont en modifiant les pratiques de prescription et de dispensation, ainsi que les habitudes de consommation. Les médecins et pharmaciens qui font l’effort de faire de la prévention et qui génèrent des économies auprès de l’Assurance Maladie, devraient percevoir une rémunération sur objectif de santé publique.

 

Le pharmacien détient un rôle clé dans le tri des MNU 

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